Pénuries de médicaments : au bord du gouffre

La semaine dernière, la compagnie pharmaceutique Mylan, en collaboration avec Santé Canada, rappelait les vaporisateurs de nitroglycérine en circulation parce qu’ils comportaient un défaut de fabrication. Peu de temps après l’envoi du communiqué de rappel, les professionnels de la santé en recevaient un deuxième les informant d’une nouvelle marche à suivre pour éviter une pénurie potentielle de ces vaporisateurs.

Pour les non-initiés, mentionnons que la nitroglycérine est utilisée pour soulager les crises aiguës d’angine de poitrine. Lorsque le patient est en crise, il prend une ou deux vaporisations et doit se diriger immédiatement vers l’urgence la plus proche. Ce médicament a pour effet de dilater les vaisseaux sanguins et d’augmenter le flux d’oxygène et de sang vers le cœur. Il s’agit d’un médicament essentiel; il évite bien des infarctus et sauve des vies.

Quatre compagnies pharmaceutiques offrent le produit au Canada. Dès que Mylan a annoncé le rappel de ses vaporisateurs, les quantités disponibles des autres produits ont chuté dramatiquement devenant même en ruptures chez plusieurs grossistes. Autrement dit, les stocks chez les grossistes étaient déjà à des niveaux très bas et les fabricants semblent conserver des quantités couvrant une période relativement courte. En cas de problème chez l’un des fabricants, la chaîne d’approvisionnement est mise sous pression et les ruptures se produisent rapidement, sans préavis et laissant les pharmaciens sans médicament pour les patients.

Cette situation illustre une constante des dernières années : très souvent, nous sommes à deux pas du gouffre.

Ce type de situation occasionne plusieurs problèmes, mais j’aimerais discuter de ceux qui sont les plus importants, soient ceux qui affectent les patients.

Souffrir d’une maladie chronique cause déjà un stress important. Il y a les traitements, médicamenteux ou non, qui doivent être suivis et les changements dans le style de vie. Lors d’un rappel ou d’une pénurie de médicaments, on doit ajouter un autre stress important : la peur de manquer de médicaments. Non seulement cela augmente le stress pour les patients, mais la confiance entre le patient et son pharmacien peut en être affectée.

De plus, le temps investi par les assistants techniques en pharmacie et les pharmaciens à rappeler les patients et à chercher des produits chez d’autres grossistes ou chez d’autres collègues est énorme et occasionne des coûts. Il ne faut pas oublier que le temps passé à régler ces problèmes n’est pas consacré à notre rôle premier : optimiser la pharmacothérapie et prendre en charge les patients.

À l’Ordre, ça fait maintenant des années que nous poussons des recommandations pour améliorer la situation. Les pénuries de médicaments étant un phénomène mondial, il serait illusoire de penser les éliminer complètement. Mais pouvons-nous, comme société, faire l’effort de les prévenir et d’en diminuer le nombre? Pourrions-nous permettre aux professionnels de la santé de se préparer lorsqu’elles sont inévitables? La réponse est oui, car c’est le cas aux États-Unis où la Food & Drug Administration a pris le leadership du dossier.

Au Québec et au Canada, il y a eu très peu d’actions concrètes pour le moment. Les professionnels de la santé et les patients sont laissés à eux même. Santé Canada et le ministère de la Santé et des Services sociaux devraient sérieusement se pencher sur la question. Parce qu’il y a des limites à être au bord du gouffre à tout moment. Il y a des limites à ne pas avoir de plan B.

Mots-clés : Pénuries

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1 commentaire

  1. C’est la méthode TOYOTA appliquée par tous, fonctionnement en flux tendu, le moins de stock possible et tout le monde l’applique (pour limiter les coûts bien évidemment). Les pharmaciens propriétaires l’appliquent eux aussi, de façon plus ou moins importante selon leur tolérance (et celle de la clientèle) aux « devons ».
    Sauf qu’en on apprend une probable rupture, et là on se stock de façon déraisonné (et oui nous sommes aussi responsable de ces pénuries par nos comportements inadéquats).
    Peut-on exiger que les grossistes et les fabricants se « stockent » pour une durée plus raisonnable 1 ou 2 mois… Je pense que oui. Mais cela aura un coût qui devra être assumé, à un niveau ou à un autre.
    Devrait-on appliquer des quota d’achat dès qu’une possible pénurie est en vue, définitivement (fonction de la quantité normal des commandes de la pharmacie plutôt qu’un chiffre arbitraire).
    Au passage, situation un peu ambiguë de devoir appeler des patients pour échanger des produits quand on en a pas à rien à leur donner en échange…
    Merci
    Christophe