Crise des opioïdes, l’Ordre veut en faire plus

J’aimerais vous parler d’un patient aujourd’hui. Appelons-le Daniel.

Daniel est un travailleur de la construction; il travaille comme bétonneur sur des chantiers routiers. Il y a trois ans, Daniel s’est mis à souffrir d’importantes douleurs au dos. Il a consulté son médecin, qui lui a prescrit des anti-inflammatoires et des opioïdes – de l’oxycontin – pour contrôler la douleur.

De doses relativement peu élevées au départ, la consommation de Daniel s’est mise à augmenter au fil des mois, et maintenant des années. Malgré le traitement, la douleur était toujours présente.

Et puis un jour, sans trop savoir pourquoi, la douleur a disparu. Mais la consommation d’opioïdes de Daniel, elle, est restée, pour mille et une raisons. Parce qu’il en a pris l’habitude, parce que Daniel ressent un sentiment de mieux-être chaque fois qu’il prend l’un de ces petits comprimés. Il les appelle d’ailleurs ses « pilules magiques ».

Daniel a commencé à mentir à son médecin et à son pharmacien pour obtenir plus de médicaments. Il a même déjà falsifié une prescription.

Est-ce que Daniel souffre de toxicomanie? Si vous lui posez la question, il vous répondra que non. Pourtant, Daniel représente l’un des nouveaux visages de la toxicomanie.

Les décès liés aux opioïdes sont en croissance au Canada et au Québec*. Le gouvernement fédéral et ceux des différentes provinces travaillent tous activement à mettre en place des mesures afin de corriger cette problématique.

Aujourd’hui, l’Ordre et le Collège des médecins du Québec (CMQ) ont tenu une conférence de presse commune. Nous avons demandé au gouvernement du Québec de pouvoir en faire plus pour prévenir et intervenir dans des situations qui impliquent les professionnels de la santé sous notre responsabilité.

Si le CMQ obtenait les données liées à la prescription d’opioïdes, il pourrait intervenir auprès des médecins qui ont des pratiques hors normes. Si, à l’Ordre, nous obtenions les données portant sur l’achat d’opioïdes par les pharmacies, nous pourrions également agir auprès de celles qui, par exemple, ont des fluctuations importantes dans leurs achats. En 2015, 2,4 millions d’ordonnances d’opioïdes ont été remplies.

Nos demandes sont simples, les détails se trouvent ici.

En 2014, nous avions fait une campagne de sensibilisation intitulée « Votre ordonnance, sa dépendance? », qui rappelait que, selon une étude ontarienne, un adolescent sur 8 avait déjà consommé un médicament d’ordonnance pour se droguer. La vidéo de cette campagne se trouve ici.

J’espère que le gouvernement du Québec donnera suite positivement à nos demandes. Parce que comme ordre professionnel, nous désirons en faire plus dans cette crise qui touche Daniel, mais qui pourrait toucher aussi votre frère, votre sœur, votre fils. Et vous?

* Nombre de décès par intoxication accidentelle à des opioïdes au Québec (Bureau du coroner)

20102011201220132014
74100123116146

Depuis 2005, on parle de 922 décès.

Mots-clés : Sécurité

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3 commentaires

  1. Félicitations pour votre prise de position!

    Nous avons hâte de voir des résultats tangibles sur le terrain. À quand l’obligation pour les médecins de mettre l’intention thérapeutique sur leurs ordonnances qui devront obligatoirement être déposées électroniquement sur le DSQ ? L’état de N-Y l’a fait. Peut-on le faire au Québec d’ici 2018 ? Après-tout, l’intention thérapeutique sur l’ordonnance, c’était dans la politique du médicament de… 2007. En passant, merci d’en demander une nouvelle.

    Les pharmaciens doivent savoir si le patient est naïf aux opoïdes et depuis quand il en prend pour agir de la bonne façon et on sait que le patient qui souffre pourra étirer la vérité par désespoir. Ça prend de l’information validée pour bien traiter la douleur des gens sans devenir complaisant afin d’éviter de les rendre dépendants. On veut aussi éviter de devenir des polices pour maintenir la confiance des gens. Tout ça est bien délicat.

    En terminant, quand allons-nous démocratiser la vente de naloxone au Québec ? Mon employeur a déjà distribué des kits dans les pharmacies de 6 provinces. Ici, on attend après la santé publique et la RAMQ ne rembourse pas le produit… Des ressources sont pourtant disponibles en ligne pour la formation* et il serait pertinent de créer un programme de santé public qui rembourserait les pharmaciens (comme pour la COU et la tuberculose) pour former les aidants naturels à L’utilisation de la naloxone.

    * https://uwaterloo.ca/pharmacy/news/naloxone-pharmacies-what-you-need-know-combat-opioid-crisis?