L’utilisation appropriée des médicaments : un investissement rentable
Nous apprenions ce weekend que le gouvernement en était arrivé à une entente sur cinq ans avec l’industrie du médicament générique, laquelle générera des économies de 300 millions de dollars par année. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour la population québécoise. L’entente conclue par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Dr Gaétan Barrette, est le résultat d’une démarche visant à réduire le coût des médicaments pour le gouvernement.
Lorsqu’une personne cherche à réduire ses dépenses, elle a essentiellement deux options : trouver l’article qu’elle recherche au meilleur prix possible ou ne pas acheter l’article en question. Maintenant que l’État a réussi à réduire le coût d’achat des médicaments, le temps est venu de prévoir des moyens afin d’en assurer une utilisation appropriée. Car, peu importe son prix, vous serez d’accord avec moi pour dire qu’un médicament consommé inutilement coûtera toujours 100 % trop cher.
Avec le vieillissement de la population, les patients prennent de plus en plus de médicaments. Il n’est pas rare de rencontrer des personnes âgées qui en prennent plus de 10 par jour. Sont-ils encore tous nécessaires? Là est la grande question.
Il arrive qu’un médicament nizagara 100, soit prescrit, par exemple, pour de l’insomnie ou des problèmes gastriques, et n’est jamais remis en question. D’un rendez-vous à l’autre, d’une année à l’autre, il apparaît toujours au profil du patient. Dans d’autres cas, un patient commence à prendre un médicament pour un problème de santé précis, mais celui-ci lui occasionne des effets secondaires. Un autre médicament est alors prescrit afin de pallier l’effet secondaire du premier. C’est ce qu’on appelle, en pharmacie, la « cascade médicamenteuse ». Ce phénomène n’est pas rare, il représente le quotidien des pharmaciens.
Tous les patients qui consomment 10 médicaments par jour ou plus devraient bénéficier d’une rencontre sur une base annuelle afin d’optimiser leur thérapie. La pratique est heureusement en émergence dans les groupes de médecine de famille (GMF) où travaillent des pharmaciens, mais seule une partie de la population y a accès. Les pharmaciens en GMF révisent le profil du patient et évaluent la pertinence de l’ensemble de ses médicaments. Dans certains cas, aucun changement ne sera apporté. Il arrive que des médicaments soient ajoutés ou que le dosage de ceux existants soit modifié. Mais le plus souvent, après une telle rencontre, le nombre de médicaments pris sur une base quotidienne diminue.
Aux États-Unis, les événements indésirables causés par les médicaments représentent entre la 4e et 6e cause de mortalité et induisent des coûts évitables annuels de l’ordre de 17 à 29 milliards de dollars. L’utilisation appropriée des médicaments est donc assurément un investissement rentable.
Maintenant que l’État a réussi à économiser sur le coût d’achat des médicaments, il doit travailler sur leur utilisation appropriée. À titre de président de l’Ordre, je suis convaincu que les pharmaciens de tous les milieux de pratique doivent s’impliquer de façon grandissante afin d’assurer aux patients un meilleur usage de leurs médicaments, en partenariat avec les médecins. Les patients doivent également questionner leurs professionnels de la santé sur la pertinence de leur traitement.
Comme société, nous en ressortirons gagnants.
Publié dans Enjeux sociaux, Médicaments
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2 commentaires
En tant que médecin et président de l’Association médicale du Québec, je salue le leadership et le professionnalisme de l’Ordre des pharmaciens du Québec et de M. Bolduc de s’attaquer à cet enjeu majeur et prioritaire qu’est l’utilisation appropriée des médicaments. La déprescription est un maillon important du dossier de la pertinence des actes. Depuis 2013, l’Association médicale du Québec se préoccupe de l’enjeu du surdiagnostic, du surtraitement et de la surmédicalisation. L’Ordre des pharmaciens du Québec faisait d’ailleurs partie de la délégation du Québec, organisée par l’AMQ, à la première édition de Preventing Overdiagnosis, conférence internationale sur le surdiagnostic qui se tenait à Hanover, au New Hampshire, en septembre 2013. Quatre ans plus tard, l’AMQ sera l’hôte de la cinquième édition de l’événement qui se déroulera du 17 au 19 août prochains à Québec. La surmédicalisation et la déprescription seront parmi les sujets traités dans le cadre des conférences. Tous les intervenants du réseau de la santé doivent se préoccuper du surdiagnostic. Les patients et le système de santé québécois ne s’en porteront que mieux !
Dr Hugo Viens, B. Sc., M. D., FRCSC
Président
Association médicale du Québec
Bonjour Dr Viens,
Merci beaucoup pour votre message. Les initiatives de l’Association médicale du Québec concernant la surmédicalisation et la déprescription sont en droite ligne avec celles de l’Ordre. Elles vont d’ailleurs dans le sens de notre mission qui est notamment de faire promotion de l’usage approprié des médicaments au sein de la société. Nous suivrons de près vos prochaines actions en ce sens et vous souhaitons un très bel événement en août prochain.