Offre de produits en pharmacie : une position repensée

Le fait que des produits homéopathiques ou amaigrissants soient offerts dans les pharmacies suscite régulièrement des critiques et des questionnements. En effet, certains considèrent que les produits sans valeur thérapeutique démontrée ne devraient pas être vendus dans un commerce détenu par un professionnel de la santé. Cette question importante méritait une réflexion que nous avons menée ces derniers mois.

Deux sondages révélateurs

À la suite d’un sondage réalisé auprès des pharmacien(ne)s du Québec, nous avons constaté qu’un malaise existait réellement face à la présence de ces produits dans les pharmacies. En effet, seuls 26% des pharmacien(ne)s sondés se disaient « confortables avec le fait que des produits sans valeur thérapeutique démontrée soient présents dans les pharmacies communautaires ». Toutefois, 65 % d’entre eux jugeaient préférable qu’ils se retrouvent en pharmacie plutôt que dans des commerces où aucun professionnel de la santé n’est disponible pour répondre aux questions.

« C’est délicat parce que le questionnement des patients est souvent un moyen d’ouvrir la discussion. Avec la multiplication de l’offre en ligne et des influenceurs, les patients peuvent se procurer toutes sortes de produits sur Internet. Lorsque mes patients me consultent, je leur donne l’heure juste (…). Par la suite, la décision leur appartient. » – commentaire d’un pharmacien sondé.

Du côté de la population, un sondage Léger réalisé au début de l’année nous a permis d’apprendre que 79% de la population visite une pharmacie au moins une fois par mois et qu’il s’agit du principal lieu d’achat pour les produits de santé naturels. Près du deux tiers (73%) de la population sait que certains produits sans valeur thérapeutique sont parfois offerts en pharmacie. Bonne nouvelle : 43% disent consulter leur pharmacien(ne) avant d’acheter un produit de santé naturel.

Un besoin d’information

Ces sondages nous permettent de confirmer que la population a le réflexe d’aller à la pharmacie pour obtenir ces produits de santé, et qu’une bonne partie d’entre elle consulte le pharmacien ou la pharmacienne avant de procéder à l’achat.

Puisque ces produits peuvent être vendus partout, les éliminer de la pharmacie n’en empêcherait pas l’achat, mais aurait pour effet de priver la population de l’accès à un(e) professionnel(le) de la santé fiable lorsqu’elle pense à se les procurer.

Toutefois, maintenir le statu quo n’est pas non plus une option, car la seule présence de ces produits en pharmacie contribue à leur donner de la crédibilité. Les maintenir en place sans aucune forme de communication proactive pourrait laisser à penser qu’ils sont utiles pour la santé.

Une décision du conseil d’administration

Le Règlement sur la tenue de pharmacie exige de chaque pharmacie qui offre des médicaments en vente libre qu’elle applique le Code Médicament, dont les modalités sont déterminées par le conseil d’administration. Les modalités actuelles du Code Médicament sont désuètes et ne sont plus connues des pharmaciens et de la population depuis de nombreuses années. En effet, un sondage réalisé en 2015 nous avait permis d’apprendre que moins de 15% de la population était au courant de ce programme.

Considérant ce qui précède, le conseil d’administration de l’Ordre a pris la décision de revoir les modalités du Code Médicament. Les développements technologiques depuis l’apparition du programme offrent diverses avenues pour mieux informer la population. L’usage de code QR menant vers un site Web informatif est l’une d’entre elles.

L’essentielle indépendance professionnelle

Les produits dont il est question ici sont homologués par Santé Canada ; l’Ordre n’a donc pas la capacité juridique d’interdire leur présence en pharmacie. Et considérant que ces produits peuvent être vendus partout, ils pourraient se retrouver dans la partie adjacente des pharmacies ( celle où l’on retrouve les produits de consommation courants), ce qui ne règle pas l’enjeu de départ.

Environ 50% des pharmacien(ne)s propriétaires disaient s’en remettre aux suggestions de leur chaîne ou bannière pour la sélection des produits. Même si les chaînes et bannières peuvent faire des propositions, la présente réflexion rappelle l’importance de l’indépendance professionnelle : il revient à chaque pharmacien(ne) de prendre les décisions qu’il(elle) juge les plus appropriées quant aux produits qu’il(elle) offre dans sa pharmacie. Mieux encore : ces décisions pourraient être prises en équipe, en incluant les pharmacien(ne)s salarié(e)s, les assistants techniques et techniciens en pharmacie.

La suite

Une équipe se mettra bientôt au travail afin de proposer au conseil d’administration de nouvelles modalités pour le Code médicament. Pour ce faire, un groupe de travail, auquel s’adjoindra un patient-partenaire, sera mis sur pied. Ce groupe combinera des pharmacien(ne)s et experts en communications, et sera en contact régulier avec l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires et l’Association des bannières et chaînes de pharmacie, des partenaires incontournables dans cette démarche.