Marie-Ève Lebreux est pharmacienne en oncologie au CHU de Québec – Université Laval. Passionnée par la science et le contact humain, elle nous parle de son parcours et de ce qui la motive à accompagner les patient(e)s atteints de cancer au quotidien.

Parcours et motivation

Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a menée vers l’oncologie?

J’ai complété mon doctorat en pharmacie (Pharm. D.) de 2015 à 2019 et la maîtrise en pharmacothérapie avancée en 2019-2020 à l’Université Laval. Au fil des rotations, la pratique en oncologie a retenu mon intérêt pour plusieurs raisons : entre autres, la pratique collaborative avec une équipe interdisciplinaire variée, la relation privilégiée que les pharmaciens développent avec les patients et la possibilité de développer une expertise en pharmacothérapie dans un domaine de pointe en constante évolution.

Je travaille depuis la fin de mes études comme pharmacienne d’établissement au CHU de Québec – Université Laval. De 2021 à 2023, j’ai principalement pratiqué dans le secteur de la clinique externe d’oncologie. Puis, à l’automne 2023, j’ai fait un retour aux études pour compléter un diplôme professionnel de 3e cycle en soins pharmaceutiques spécialisés (DP3-SPS) de l’Université Laval, dans le profil de la pharmacie nucléaire, un domaine qui présente une occasion unique de développer une expertise pharmaceutique dans l’optimisation des thérapies personnalisées et innovantes en oncologie.

Depuis janvier dernier, je travaille à l’implantation du rôle de pharmacien au sein de l’équipe de médecine nucléaire. L’objectif est d’offrir des soins et des services pharmaceutiques de qualité à la population oncologique qui est traitée avec des radiopharmaceutiques (médicaments dont une partie permet de cibler précisément les cellules cancéreuses et une autre, radioactive, permet de les détruire avec la radiation) au CHU de Québec.

Rôle et responsabilité

Comment décrirais-tu le rôle du pharmacien en oncologie et ses responsabilités?

Le pharmacien d’oncologie assure la sécurité et l’usage optimal des traitements prescrits. Il évalue le dossier du patient dans sa globalité, analyse les interactions médicamenteuses et recommande des ajustements au besoin pour optimiser la sécurité et l’efficacité à l’initiation d’une nouvelle ligne de traitement et avant chaque cycle. Nous vérifions par exemple avant chaque traitement administré en clinique externe que les paramètres hématologiques, rénaux et hépatiques sont adéquats pour que le traitement soit administré comme prévu.

Le pharmacien joue également un rôle important directement auprès des patients, en fournissant un enseignement initial sur le déroulement du traitement prescrit, les effets indésirables possibles et les mesures préventives à mettre en place. Il rencontre ensuite les patients périodiquement pour assurer le suivi de la tolérance du traitement, conseiller le patient sur la gestion des effets indésirables (ajuster les anti-nauséeux par exemple et proposer des ajustements au besoin.

En quoi le rôle du pharmacien est-il particulièrement important dans la prise en charge du cancer, notamment celui du sein?

Le rôle du pharmacien est particulièrement important en oncologie, vu la complexité des thérapies. En tant qu’experts des médicaments, nous nous assurons de la sécurité des patients et nous contribuons à personnaliser les soins, pour que chaque patient(e) reçoive le meilleur traitement pour lui (elle), au bon moment dans son parcours de soins. Par exemple, pour le cancer du sein, les pharmaciens accompagnent les patientes à travers de nombreux protocoles d’hormonothérapie orale et de traitements intraveineux, en s’assurant que chaque étape soit bien comprise et que la patiente ait les outils pour bien comprendre et tolérer le traitement.

Collaboration et approche auprès des patient(e)s

Comment se déroule la collaboration entre le (la) pharmacien(ne), le (la) médecin et les autres membres de l’équipe de soins?

La collaboration entre tous les intervenants de l’équipe de soins se déroule généralement très bien. La prise en charge complète des patients en oncologie requiert l’expertise d’une grande variété de professionnels et chacun contribue à sa façon au parcours du patient. Les rôles de chacun sont bien définis au sein de la trajectoire et, dans mon expérience, l’expertise de chaque professionnel est reconnue par les autres intervenants. En tant que pharmacienne, je sens que je peux mettre à profit mes connaissances pour optimiser la thérapie.

Plus récemment, depuis le début de mon implication en médecine nucléaire, j’ai eu à collaborer avec une variété grandissante de professionnels (médecins nucléaristes, technologues de médecine nucléaire, physiciens, radiochimistes, équipes de recherche, etc.) et l’expérience s’avère tout aussi positive. La mise en commun de différents points de vue est selon moi un des éléments essentiels à la mise en place d’une trajectoire de soins centrée sur le patient.

De quelle façon soutiens-tu les patient(e)s dans leur traitement?

Avant le premier traitement, je rencontre les patients pour faire un historique de leur médication et leur fournir un enseignement personnalisé en lien avec leur traitement à venir. Il s’agit d’une bonne occasion pour les patients pour poser leurs questions. L’objectif, à la fin de cette rencontre, est qu’ils se sentent bien outillés pour débuter les traitements (ex. : savoir quoi faire en cas d’effets indésirables). En cours de traitement, mon suivi avec les patients permet d’optimiser les traitements de soutien, qu’il s’agisse de mesures de pharmacologies ou non (ex. : ajuster, retirer ou modifier un traitement pour la nausée, conseiller des mesures non pharmacologiques pour la sécheresse cutanée, etc.). Peu importe l’intervention, l’objectif est toujours d’aider le patient de façon personnalisée.

Défis et dimension humaine

Comment gères-tu la charge émotionnelle qui accompagne souvent ce type de pratique?

Il s’agit d’un domaine qui est effectivement chargé sur le plan émotionnel, mais la relation privilégiée que nous avons la chance de développer avec les patients et l’impact concret que nous avons auprès d’eux rendent la pratique en oncologie particulièrement enrichissante. Le soutien entre collègues joue également un rôle important : échanger entre nous et partager nos expériences aide certainement à composer avec la charge émotionnelle et enrichir notre pratique.

Quels sont les plus grands défis de ton rôle en oncologie?

L’un des plus grands défis consiste certainement à rester à jour, vu l’évolution constante des thérapies.

Vision et message

Si tu avais un message à adresser aux jeunes pharmacien(ne)s ou étudiant(e)s qui hésitent à développer une expertise en oncologie, que leur dirais-tu?

Je leur dirais de saisir les occasions qui se présentent d’être exposés à ce milieu qui, aussi exigeant soit-il, est aussi extrêmement stimulant.

Je voudrais également à les inviter à ne pas hésiter à sortir de leur zone de confort. Au fil des nouvelles avancées dans le domaine, les stratégies de traitement se complexifient et se multiplient. Les pharmaciens, avec leur vision unique et globale du patient, enrichissent la prise en charge de toute l’équipe et permettent l’optimisation et la personnalisation des traitements. Les opportunités d’implication sont multiples en oncologie : thérapies innovantes, collaboration interprofessionnelle, recherche clinique, enseignement, et bien plus encore. Selon moi, il faut saisir ces occasions de mettre en lumière la valeur ajoutée de notre profession!